Cowboys et Communisme : Quand l’Ouest Sauvage Rencontre l’Est Rouge
Dans l’imaginaire collectif, les cowboys symbolisent la liberté, l’individualisme et le capitalisme débridé. À l’opposé, le communisme incarne l’égalité, la solidarité et le rejet des logiques marchandes. Mais que se passe-t-il lorsque ces deux mondes apparemment incompatibles se croisent ? Utopie absurde ou miroir de contradictions ? Cet article explore, à travers l’histoire, la fiction et l’idéologie, cette rencontre improbable entre cowboys et communisme.
De l’Ouest sauvage à la lutte des classes : deux mythologies qui s’opposent
À première vue, tout sépare le cowboy solitaire des ouvriers solidaires du prolétariat. Et pourtant…
Le cowboy est un mythe. Ce personnage rude, armé, libre, parcourant les grandes plaines américaines à cheval, est l’icône de l’individualisme américain. Il incarne l’esprit pionnier, l’autonomie, et une certaine forme de virilité conquérante.
Le communisme, de son côté, repose sur une autre mythologie : celle de la collectivité, du travail commun et du rejet des hiérarchies de richesse. Il propose une société sans classe, sans propriété privée, où chacun contribue selon ses capacités et reçoit selon ses besoins.
Deux récits, deux utopies, deux formes de foi. Pourtant, en y regardant de plus près, des points de convergence apparaissent.
Cowboys rouges : quand les communistes réinventent le Far West
Le western soviétique : une propagande déguisée ?
Dans les années 1920 à 1970, l’URSS a produit ses propres films de "western rouge" appelés "osterns". Ces films reprenaient les codes classiques du western — vastes paysages, chevaux, fusillades — mais les héros n’étaient plus des cowboys, c’étaient des révolutionnaires.
L’exemple emblématique est le film White Sun of the Desert (1970), où un soldat de l’Armée rouge traverse le désert pour combattre des bandits réactionnaires. Il est solitaire, courageux, fidèle à une mission — mais cette mission n’est pas la conquête de territoires, c’est la libération du peuple.
En Chine maoïste aussi, le cowboy a été récupéré : les romans de la "Littérature des Prairies" dépeignaient des bergers ou cavaliers socialistes protégeant les valeurs communistes face aux ennemis "féodaux" ou "capitalistes".
Cowboy marxiste : une contradiction en termes ?
Et si le cowboy était, malgré lui, un rebelle populaire ? Nombre de cowboys historiques étaient en réalité des ouvriers agricoles, des Afro-Américains, des Mexicains ou des immigrants irlandais. Exploités, mal payés, parfois nomades par nécessité plus que par choix.
Plutôt qu’un héros capitaliste, le cowboy peut aussi être vu comme un prolétaire des grands espaces, un travailleur aliéné par l’économie des ranchs.
Cette lecture marxiste recontextualise le mythe : le cowboy n’est pas libre, il est pris dans les logiques d’un capitalisme rural. De là à le rêver communiste, il n’y a qu’un pas — franchi par quelques œuvres littéraires et universitaires.
Les points de friction idéologique : liberté contre égalité ?
Les cowboys, dans leur version hollywoodienne, sont des anti-collectivistes. Leurs valeurs : l’autodétermination, la propriété individuelle, la méfiance envers l’État. À l’inverse, le communisme demande le sacrifice de l’individu au profit du collectif, la suppression de la propriété privée et la centralisation des pouvoirs.
Mais cette opposition est-elle si tranchée ?
Dans la réalité historique, les cowboys dépendaient fortement des coopérations informelles : s’entraider face aux intempéries, partager des ressources, faire front commun contre les propriétaires terriens abusifs. Des pratiques proches de l’entraide prônée par les anarcho-communistes comme Pierre Kropotkine.
Quand la fiction fait se rencontrer deux mondes
Une série à écrire ? Les cowboys collectivistes
Imaginez une série où des cowboys, fatigués d’être exploités, forment une coopérative agricole dans le Far West. Ils refusent les salaires de misère imposés par les grands ranchs, s’organisent en assemblées, mutualisent leurs chevaux et refusent d'obéir aux ordres d’un shérif corrompu.
Ce western utopique deviendrait un "red western" libertaire, mêlant action, philosophie politique et critique sociale.
Le Far West comme laboratoire d’utopies
Le XIXe siècle américain a vu naître de nombreuses communautés utopistes, parfois influencées par le socialisme. Des colonies agricoles égalitaires aux villages libertaires, les grands espaces ont souvent accueilli des expériences communautaires, loin du regard des institutions.
Même s’ils ne portaient pas d’étoile ou de pistolet, ces pionniers de l’égalité ont quelque chose en commun avec les cowboys : la volonté de vivre autrement, en marge du monde établi.
Conclusion : Et si le cowboy rouge n’était pas une absurdité ?
À travers le prisme de la fiction, de l’histoire oubliée et des contradictions idéologiques, on découvre que la figure du cowboy communiste n’est pas aussi improbable qu’elle en a l’air.
Au-delà des caricatures, les cowboys comme les communistes partagent une volonté de rupture avec l’ordre établi. Dans un monde saturé d’images et de récits binaires, réconcilier l’individualisme sauvage et l’utopie collective pourrait bien être le plus grand western à écrire.